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Janniot et la tapisserie

 


Alfred Auguste JANNIOT (1889-1969)
FLORE
Carton pour une tapisserie – circa 1940, tapisserie non réalisée à ma connaissance
Huile sur toile (223 x 337 cm) ; signée.


Thème : Flore, déesse des fleurs et du printemps


Le sculpteur, peintre et graveur Janniot s’est aussi passionné pour la fresque et de la tapisserie dans les années après- guerre. En homme de culture, épris d’antiquité et de la Renaissance, il a suivi les principes à la tapisserie de la grande tradition française défendue par Le Brun1. Admirant « La Dame à la Licorne » en plus d’Au Printemps » de Pierre Mignard, tissé en 1712 et qui se situe dans la Galerie de Saint Cloud, Janniot en reprend les iconographies.
Colbert confiera à Le Brun la direction de la Manufacture des Gobelins.
Les tapisseries de Janniot dégagent un bonheur de vivre et affirme son admiration pour l’Antiquité et la Renaissance.
Description
Flore : la divinité des fleurs et du printemps.
7 personnages accompagnent Flore, en jeune fille pudique.
Sur le haut du carton on peut reconnaître en haut à gauche un chasseur qui est endormi et ne chasse pas les sangliers (en haut à gauche de l’oeuvre). Une jeune fille est séduite par Eros. A gauche, une jeune fille déroule une banderole et à droite deux autres rêvassent, presque endormies. En bas à gauche, une seconde jeune femme tient un faon dans ses bras, alors que la biche derrière elle en allaite un autre. Deux lapins, symboles de fertilité, s’ébattent dans le parterre fleuri.Une caille (l’Inconstance) et une hermine (la pureté) complètent la symbolique que l’on peut observer sur la Dame à la Licorne.
Nous sommes au printemps, la saison de l’amour.ous nous sommes attachés à faire découvrir les multiples talents de l’artiste, graveur, fresquiste, peintre et sculpteur. Moins connue est son œuvre dans l’art de la tapisserie.

En effet dans les années après deuxième guerre, la tapisserie a connu un grand regain.

Cependant Janniot est resté dans l’esprit préconisé par Lebrun, fidèle à son goût pour l’époque baroque.

« Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches »
6m65 x 2m 80 - Collection privée en Belgique

Cette tapisserie a été réalisée pour la Villa du collectionneur Ducos à Valmondois et été placée dans le salon.
Elle avait donc une fonction décorative.

 

Pour des commandes d’Etat ou privées, il peint de grands cartons à l’échelle de la future tapisserie.


Extrait d’un ouvrage » L’art en effervescence, 100 ans du Salon d’Automnne 1903-203 sous la direction de Noel Corêt, président du Salon d’Automne »
Cet ouvrage collectif résume les sections dites ARTS APPLIQUES, Arts décoratifs, art mural, gravure, architecture, musique, cinéma et photographie durant un siècle au Salon D’Automne


« Un art majeur en France jusqu’au XVIII -ème siècle, la tapisserie a par la suite souffert des errements des méthodes de fabrication des manufactures qui avaient jusque-là assuré sa gloire.
Au 19ème siècle les cartons exécutés dans les ateliers de la manufacture des Gobelins et de Beauvais sont l’oeuvre d’artistes officiels désignés par l’Académie qui dans l’ensemble ne perçoit aucune différence entre une peinture de chevalet et sa réplique tissée.
Au cours de la III ème République, les méthodes de fabrication traditionnelles sont sévèrement mises en cause par une critique qui perçoit la copie d’un tableau de chevalet comme une aberration.
2 En ce qui concerne Janniot, nous connaissons 9 cartons grandeur nature. De ces projets, 4 grandes tapisseries ont été tissées de son vivant :
Les Arts majeurs 240 x300 cm (Hommage à la Source de Ingres) est exposée au Musée des Années Trente de Boulogne Billancourt.
Diane, 268 x 510 cm - tissée au Gobelins pour un collectionneur privé. Collection privée)
Reine des prés, Reine des champs - Atelier AM Delarbe de la Paix, 310 x 236 cm – coll privée en Belgique- carton et tapisserie exposés dans le hall d’une résidence pour séniors à Bruxelles.
Voici des fruits, des feuilles et des branches - 280 x665 cm- coll. Privée Belgique.
Durement frappées par le krach de Wall Street et par la récession, qui s’ensuivit, les ateliers de Aubusson et de Felletin survirent grâce à la fabrication de répliques de tapisseries anciennes et de tissus d’ameublement et de garnitures de sièges.
Les premières tentatives de réforme introduites par Jules Guiffrey, administrateur de la Manufacture des Gobelins à partir de 1899 et par L’Ecole des Arts décoratifs, sous la direction du peintre cartonnier A. Marius Martin se soldent par un échec. Les initiatives privées, signalons celles de Sue et Mare et de la Compagnie des Arts français qui éditent des cartons de peintres contemporains et celle du collectionneur Marie Cutolli qui tente de sortir la tapisserie d’Aubusson de son marasme artistique et économique en faisant tisser des oeuvres contemporaines d’après des cartons de maîtres de l’avant-garde se soldent par un échec.
En 1941, le Comité du Salon d’Automne invite le Mobilier National à monter une exposition de tapisseries réalisées depuis la réforme des méthodes de cette production.
Dans la préface, Guillaume Janneau, alors Administrateur général de cette institution explique les fondements de la réforme initiée par les Manufactures, notamment l’abandon de la reproduction du tableau de chevalet.
Y sont exposés un ensemble de tapisseries d’après les cartons de Yves Alix, Jean Marchand, Roger Chaplain- Midi, Raoul Dufy. Georges d’Espagnat Maurice Denis, Jules Flandrin, Othon Friesz, Paul-Elie Gernez et Roland Oudot, ainsi que des cartons pour des sièges de Charles Dufresne, Valtat et Paul Vera.
Jean Lurçat, établi à Aubusson insuffle un élan nouveau.
Sa rencontre avec le lissier François Tabart aboutit à mise au point d’une nouvelle technique. Le carton est caractérisé par de larges aplats et la palette est réduite à un maximum de 40 couleurs. La création de l’Association des peintres cartonniers (APCT) de tapisserie fondée Lurcat assisté de Marc de Saint Saëns et Picart le Doux relance l’art de la tapisserie »
Pour résumer, la tapisserie à la Manufacture des Gobelins aura aux cours des siècles des périodes de gloire mais aussi des moments d’oubli.
Concernant la première moitié du XXème siècle :
Gustave Geoffroy, nommé à la direction des Gobelins (1908-1926), ouvrit une ère nouvelle. La tapisserie est au service de l’évolution de la peinture et les Gobelins perpétuent l’héritage du passé en faisant appel aux peintres contemporains.
Dès 1922, Marius Martin, directeur de l’Ecole Nationale d’art décoratif à Aubusson recherche des coûts de productions moindres (diminutions du nombre de coloris, emploi d’un fil de chaîne plus gros…).
Une grande polémique, qui allait s’attiser avec Lurçat, débute en 1923.
A la mort de Gustave Geoffroy, le nouvel administrateur Eugène Planès (1926-1932) dû se plier à une nouvelle directive de rentabilité. Les Manufactures de Sèvres, de Beauvais et des Gobelins, le directeur général des Beaux-arts, le directeur du Budget au Ministère des Finances et le directeur de l’Expansion Commerciale au Ministère du Commerce ainsi que 8 membres sont regroupés en une seule administration.
Ce ne fut pas une réussite.
Pour succéder à Eugène Planès, le choix se porta sur François Carnot (1932-1936).
Sa première préoccupation était de pouvoir vendre ces tapisseries à une clientèle de choix. Sur le plan technique, il s’agissait de multiplier la laine double et même d’utiliser une laine plus épaisse pour obtenir de larges effets décoratifs. Il décide de faire appel à des artistes, André Mare, Ducos de la Haille, Dunand, etc. Pourtant, Carnot déclara qu’il n’était pas
question pour lui de négliger le passé et préconise la réédition de tapisseries anciennes.
Cependant, à partir de 1932, la procédure administrative devient plus lourde. Carnot a pu mener la politique de son choix et pourtant les frais de productions restent élevés. Comment trouver des clients pour ces oeuvres ?
L’indépendance de la Manufacture arrivait à son terme. Carnot, avant de quitter cette dernière au terme de sa carrière, eut la satisfaction de pouvoir déterminer la liste des oeuvres de la Manufacture qui devaient figurer à l’exposition de 1937.
En 1938, Guillaume Janneau est nommé conservateur. Dès son entrée en fonctions, il fait approuver son programme en qualité de conservateur par le ministre Georges Huisman, directeur général des Beaux- Arts :
« Les Manufactures doivent constituer un laboratoire d’essai, un conservatoire des grandes traditions, et une école d’application des techniques ; tisser des répliques d’oeuvres anciennes pour récupérer des pièces qui sont fatiguées, continuer la production de pièces conformes à traditions décoratives qui peuvent trouver place dans les édifices publics et répondre aux problèmes esthétiques nouveaux. Pour lutter contre la décadence de cet art, éviter la transcription de tableaux, il fait supprimer la multitude de tons en abandonnant l’emploi de colorants synthétiques pour revenir aux colorants naturels. Mais cette modernité n’est pas synonyme de pauvreté. ».
Il propose à Huisman de commander des cartons à un artiste qu’il trouve extrêmement intéressant, Jean Lurçat3. Il demande aussi en 1938 à Gromaire de travailler pour la Manufacture.
3 Denise Bigot va rencontrer Denise Majorel. Celle-ci avait créé avec Jean Lurçat l’association des peintres cartonniers qui va organiser de nombreuses expositions en France. Toutes deux créent L’Association Arelis, en 1977 qui compte des artistes, des galeristes, liciers-créateurs et qui devient internationale. Elle fut dissoute en 2011. La galerie La Demeure rencontre en 1950 un grand succès avec la présentation de tapisseries contemporaines jusqu’en 1985.
C’est pourtant le musée des arts décoratifs de Lausanne qui défendra le mieux le renouveau de tapisserie en créant une biennale en 1961.
En même temps, il réorganise le Musée de Gobelins et met en place deux expositions, en 1938 et 1939, sur le thème de « la tapisserie du Moyen Âge à nos jours ».
Lors de la déclaration de la guerre en 1939, la Manufacture se replie à Aubusson. Le souci de Janneau est de garder l’activité des ateliers.
En 1940, la Manufacture des Gobelins se réinstalle à Paris. Janneau est confronté à une demande des autorités allemandes et aussi du gouvernement de Vichy.
Mais, heureusement, très peu de ces demandes ont vu le jour.
Guillaume Janneau profita de l’occasion pour réclamer le retour des lissiers prisonniers.
Cependant, de 1941 à 1944, cinquante-deux cartons furent achetés par l’Etat (dont un d’Alfred Janniot). Rares en sont les tapisseries ayant été mises sur les métiers.
On peut résumer la politique de Guillaume Janneau aux Gobelins : « revenir aux méthodes médiévales, c’est plutôt à Le Brun qu’il faut se référer (…) Quand Charles Le Brun prit la direction des ateliers des Gobelins, il lui suffit d’assurer le respect du dessin et des compositions et de préserver le style monumental des atteintes qu’il aurait dû subir. Mais il n’eut garde de transformer la tapisserie en simulacre de peinture (…) ».
C’est tout à fait l’avis d’Alfred Auguste Janniot.
Janniot considère la tapisserie comme un élément décoratif. Pour des commandes d’Etat ou privées, il peint de grands cartons à l’échelle de la future tapisserie4.
4 En ce qui concerne Janniot, nous connaissons 9 cartons grandeur nature. De ces projets, 4 grandes tapisseries ont été tissées de son vivant :
Les Arts majeurs 240 x300 cm (Hommage à la Source de Ingres) est exposée au Musée des Années Trente de Boulogne Billancourt.
Diane, 268 x 510 cm - tissée au Gobelins pour un collectionneur privé. Collection privée)
Reine des prés, Reine des champs - Atelier AM Delarbe de la Paix, 310 x 236 cm – coll privée en Belgique- carton et tapisserie exposés dans le hall d’une résidence pour séniors à Bruxelles.
La deuxième moitié du siècle :
La tapisserie était un art choisi lorsqu’il s’agit de célébrer les principes fondamentaux de la République française à la fin du XXème siècle.
Mais un courant nouveau s’installe.
Auparavant à l’Ecole Supérieure de Beaux-Arts de Paris, le Collège des chefs d’ateliers était choisi parmi des artistes renommés. Le « patron » et les élèves qui devenaient ses disciples disparaissent. En effet, en 1937 le nouveau directeur Intersteller bouscule les coutumes et institue le Diplôme d’Art Plastique qui donne des équivalences pour le baccalauréat. L’esprit d’atelier a ainsi disparu.
Dorénavant, à l’Ecole de Beaux-Arts de Paris, les artistes deviennent individualistes avec des recherches très personnelles. Ils emploient des matériaux nouveaux, du ciment, de la résine, des « matières »5, du textile, de la laine et des fibres. Figurative ou abstraite, la tapisserie n’est plus un élément de décor.
L’art de la tapisserie allait retrouver vie.
Le renouveau se fit à Aubusson et à Beauvais. A la Manufacture de Beauvais, Jean Ajalbert sollicite des jeunes artistes pour dynamiser la création.
Déjà en 1903, la galerie de Madame Cuttoli était à l’avant-garde. Son innovation est de s’adresser à des artistes différents
Voici des fruits, des feuilles et des branches - 280 x665 cm- coll. Privée Belgique.
5 Matériaux employés dans les métiers d’art, tels que la terre, le plâtre ou encore la pierre.
de ceux choisis par les grandes manufactures. Ils ont comme nom Picasso, Braque, Matisse, Dufy, Leger et Rouault. Cela dit, ils ne produisaient que des reproductions de leurs tableaux.
Picasso, lui, fait appel à la licière Jacqueline de la Baume Durrbach qui réalisa pour lui et avec lui la plupart de ses tapisseries pour David Rockefeller. Elle transposa aussi en tapisserie les oeuvres de Gleizes, Fernand Leger, Villon et Delaunay6.
Les artistes lissiers d’Aubusson donnèrent naissance entre 1940 et 1944 à de nombreuses pièces dont Lurçat est sans aucun doute le plus célèbre d’entre eux.
Lurçat, lui, est un créateur, un précurseur. Il conçoit la tapisserie comme un décor mural, une fresque. Il entraina en autres Jean Picart le Doux, Gromaire.
Josep Grau Garriga lui conçoit la tapisserie en épaisseur comme une sculpture. (Donation à Angers)
Ils sont est revenus à la technique de l’Apocalypse, à l’origine.
Mobilier National/Les Gobelins de nos jours :
La Manufacture des Gobelins dispose de 15 métiers à tisser et sortent 5 ou 6 pièces par an.
La Manufacture d’Aubusson-Robert Four crée actuellement une cinquantaine de tapisseries avec des artistes contemporains et
6 Au XXème siècle, peu de sculpteurs se sont intéressé à la Tapisserie. On peut néanmoins citer entre autres Maillol, Picasso, Couturier et Janniot.
organise des expositions : Robert Combas, Jean Fourton, Richard Texier, Jean-René Sautour-Gaillard, Hervé Di Rosa, etc.
La Manufacture de Beauvais, rattachée au Mobilier National à partir de 1937, participe à la création contemporaine provenant de toutes les tendances artistiques (Chilida, Matta, Othoniel, etc).
Le Mobilier National a présenté en 2018 « Au fil du siècle, 1918-2018, Chefs-d’oeuvre de la tapisserie » à la Galerie des Gobelins (Paris). « Cette exposition invite le public à relire le siècle écoulé à la lumière des oeuvres les plus illustres, tissées aux Manufactures des Gobelins, de Beauvais, de la Savonnerie et d’Aubusson. À travers la richesse de ses collections, conçues en collaboration avec des artistes de grande renommée, le Mobilier national offre un regard original sur les profonds bouleversements du siècle, en termes artistiques, sociologiques, politiques et techniques. Anquetin, Denis, Serrière, Beaume, Cappiello, Bracquemond, Lurçat, Gromaire, Matisse, Picasso, Miró, Le Corbusier, Delaunay, Dufy, Derain, Hartung, Zao Wou-Ki, Vasarely, Morellet, Bourgeois... autant de grands noms qui symbolisent les fractures, les élans et les espoirs du siècle.
Dans un parcours chrono-thématique, près d’une centaine de biens sont exposés, tapisseries, tapis, cartons et mobiliers dont la qualité témoigne de la vitalité de la création et du savoir-faire exceptionnel des manufactures, qui ont traversé ce siècle en se réinventant continuellement ».
Le musée Jean Lurçat organise à Angers une triennale afin de montrer l’énergie de la tapisserie contemporaine.
Cependant, d’autres ateliers indépendants existent en Europe.
L’art de la tapisserie se perpétue, que les thèmes soient figuratifs ou abstraits.

Sources Bibliographiques
- De Gustave Goeffroy à Guillaume Janneau 1908 -1944 - Beauvais ,1999. Manufacture des Gobelins dans la moitié du XXème siècle - Centre National des Arts plastiques.
- Jacques Baschet -Tapisseries de France/ Nouvelles Editions françaises ,1951.
- Au fil du siècle 1918-2018 - Chefs d’oeuvres de la tapisseries, Catalogue de l’exposition au Mobilier national en 2018.
- Archives personnelles de E A Demeurisse et de l’Association Alfred Auguste Janniot.
- Le site Textile/Art est totalement voué à la tapisserie contemporaine. :
- http://www.textile-art-revue.fr.




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